Des mots
(Judoka-Carioca-Pivoine-Chignon-Calligraphier-Origami-Baleinier-Bonzaï-Mont
Fuji-Cerisier-Wasabi) et deux personnages (Violetta et Tony) pour faire une
histoire :
(Les mots sont ici pris dans
l’ordre inverse de leur proposition)
Dans la rue Tony apostrophe sa compagne Violetta
car la moutarde, plus fort, le wasabi lui monte au nez. Il n'a rien contre
Violetta non, il souhaite plutôt lui exprimer la colère qui l'anime à la vue de
ce pompeux cornichon de Jean Reno, un acteur qui fut 'wannabe',qui est
désormais 'has-been', ce qui ne l'empêche pas d'être à l'affiche d'une comédie
romantique, affiche que vient de voir Tony. C'est en ces termes que le jeune
homme livre ses impressions courroucées à sa dulcinée : ' Putain nan mais
il nous prend vraiment pour des cons ce Jean Reno, déjà qu'il est pas bon dans
les films d'action, il tente maintenant d'exporter son physique bovin vers la
comédie romantique, bonjour les transports amoureux ! Il a aucune finesse
ce mec, ses 'punchlines' c'est carrément le cerisier qui écrabouille le gâteau,
je suis certain que ça va faire un bide ce film, franchement c'est vraiment
gâcher de la pellicule...' C'est alors que Violetta, constatant que son
compagnon prend ceci beaucoup trop à cœur, remarque avec légéreté :' Tiens
en parlant de pellicule, ce matin je suis allée chercher les photos du voyage
au Japon chez le photographe, et en fait l'enveloppe, c'est de la marque Fuji,
j'ai trouvé ça très adéquat et un peu cocasse, vu qu'on a mitraillé le fameux
mont éponyme là-bas...' Tony se calme un peu à l'évocation de ces vacances
récentes, et pense qu'il lui faudra arroser son bonsaï en rentrant à
l'appartement, cette attention portée à ce frêle arbre le divertira un temps de
sa conscience trop aiguë de l'absurdité de l'existence. En effet, Tony est un
dessinateur humble et talentueux qui peine depuis plusieurs années à vivre de
sa passion, alors qu'il constate que d’autres personnes moins talentueuses mais
également moins humbles ont fait carrière dans différents domaines artistiques.
Le jeune homme idéaliste traque le sens et la justice comme le baleinier Achab
traque la baleine blanche dans la mer immense, avec acharnement. Parfois
découragé il se dit que la vie c’est comme les cocottes en origami des
gamins, tu dis un numéro, puis on te lit un destin calligraphié au dos d’une
des faces de la cocotte, maudit bic ! Mais alors dans ce bordel Tony
guette les fragments de la beauté du monde, par exemple dans le métro le
chignon d’une fille dont il ne verra pas le visage, ou bien au musée une
peinture de pivoines d’un artiste chinois du XVIIème siècle. Certes jamais de
quoi se mettre à danser la carioca, il s’agit de plaisirs plus subtils, qui
font accéder à la volupté et affutent l’esprit, jusqu’à faire de son possesseur
un judoka mental…BAM ! Bravo le judoka ! Voilà que Tony, trop affairé
à contempler un lavomatic à la façade en verre et à l’intérieur blanc, se cogne
la tête sur un poteau. Violetta éclate de rire.