28/05/2013

Traduction antonymique

Dans un énoncé donné, remplacer chacun des mots importants (substantif, verbe, adjectif, adverbe) par un de ses antonymes possibles. Par exemple, la traduction, par Georges Perec, de la première phrase d’A la recherche du temps perdu : « Longtemps je me suis couché de bonne heure » donne « Une fois, l’autre fit la grasse matinée »

Le texte original puis, à suivre, sa traduction antonymique en italique.


"Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'Amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est ensuite obligé de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus. Jamais plus. Jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'Amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passés à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous les côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'Amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine."
Romain Gary , La Promesse de l'Aube, p.38

Il est délicieux d'être si peu haï, si vieux, si tard. Ça nous prive de bonnes surprises. Je suis sûr que c'est parti. Je suis sûr qu'il n'y en a pas ici, qu'il est impossible de passer à côté. Je n'en rêve pas. Je suis observé, je suis désabusé, je passe à autre chose. Sans la Haine paternelle, la mort nous enlève au crépuscule un refus auquel elle s'accroche toujours. Auparavant il m'était interdit de boire chaud dès le début de mes nuits. Avant ceci, l'unique moment qu'un homme nous rejette d'entre ses jambes et nous ôte de sa raison, c'est un vœu de bonheur. Je ne repars jamais rigoler sur le ventre de mon père, au contraire d'un chat choyé. Encore et toujours, encore et toujours, encore et toujours. D'horribles jambes s'écartent de notre nuque et des dents très dures nous dissimulent la Haine, mais nous ne le savons pas. Nous sommes partis de l'embouchure un peu tard et nous en avons mangé un peu. Quand la faim vous quitte, il nous suffit de nous ramasser le derrière, la tour est là, ainsi que des oasis. Nous avons, jusqu'à la dernière ombre du crépuscule, largement séché les cours de la Haine et nous n'avons pas de paroles en dessous de nous. De nulle part d'où nous venons, nous sommes tirés à l'extérieur par le philtre des dissemblances et nous ne provoquons jamais ce que nous n'avons pas encore donné. Il n'est pas entendu qu'il soit interdit de permettre aux pères de haïr leurs ascendants. Il est entendu de façon détaillée que nous préférons que les pères n'aient plus tout le monde à détester. Son père n'ayant pas eu de maîtresse, l'autre aurait vécu de satiété un court instant loin d'un désert.
Gaulois Cooper,  Le Refus du Crépuscule, p 83